lundi 9 mars 2015

Une balade à Lavaux



Ce dimanche de novembre annonçait un temps maussade et froid. Malgré cela, un petit groupe de guides de Genève s’est retrouvé à la gare de Puidoux/Chexbres pour aller découvrir Lavaux à pied avec notre guide officielle de cette région Julie Sidelnikova.

Après une petite marche d’approche à travers les bois, soudain, un vaste panorama s’ouvre à nous sur les pentes de cette région, entre Lausanne et Montreux, appelée Lavaux. Sur une pente abrupte, de modestes parchets de vignoble les uns après les autres surplombent en terrasses faites main le lac Léman qui, contrairement à ce que nous attendions en cet automne, brille de milles soleils.




En 2007, l’UNESCO a mis Lavaux sur la liste du patrimoine mondial, non pas simplement en raison de la beauté du paysage, splendide certes, mais pour ce que les humains en ont fait. C.-F. Ramuz le décrit merveilleusement dans le passage du poète avec ces mots :
« - C’est que c’est tout plié à nous, par ici. […] C’est tout habitué à l’obéissance ici, depuis le temps que c’est en vignes. Et le bon Dieu lui-même a décidé que ce serait en vignes, ayant orienté le mont comme il convient, se disant : « Je vais faire une belle pente tout exprès, dans l’exposition qu’il faut, avec l’inclinaison qu’il faut, et je vais mettre encore dans le bas la nappe de l’eau pour qu’il y ait ainsi deux soleils sur elle, que le soleil qui vient ailleurs d’en haut seulement vienne ici d’en haut et d’en bas… » […], puis il nous a dit : « A votre tour », alors quoi ? on est désignés. […] Le bon Dieu a commencé, nous, on est venu ensuite et on a fini… Le bon Dieu à fait la pente, mais nous on a fait qu’elle serve, on a fait qu’elle tienne, on a fait qu’elle dure : alors est-ce qu’on la reconnaîtrait seulement à présent, sous son habillement de pierre ? […] ailleurs l’homme se contente de semer, de planter, de retourner : nous, on l’a d’abord mise en caisses, […] et, ces caisses, il a fallu ensuite les mettre les unes sur les autres […] c’est fabriqué par nous, ça ne tient que grâce à nous ; ça n’est plus une pente, c’est une construction, c’est une tour, c’est un devant de forteresse. […] Pendant qu’il montre encore, de dessus son éperon, songeant au temps qu’il a fallu, songeant à la peine qu’il a fallu, des centaines d’années, mille ans, deux mille et plus… »




Nous nous arrêtons sur une butte d’où la vue est époustouflante. C’est LE lieu idéal pour déguster un petit vin blanc du cru et en plus c’est l’heure de l’apéro. Alors notre guide ouvre une bouteille… et le ciel s’ouvre aussi, et avec lui le paradis. Les vins blancs du Lavaux ont cela de particulier qu’ils sont plutôt secs, mais tout sauf acides. Certains sont très fruités, d’autres ont des bouquets plutôt fleuris ou d’agrumes. Bien que le cépage principal soit ici le Chasselas, une bonne centaine de petits producteurs cultivent des cépages divers, ce qui donne une variété de vins plus grande que le nombre de jours dans l’année. On ne s’ennuie jamais.




Arrivés au village de Chexbres, notre guide nous a amenés dans une boulangerie – tea-room célèbre pour ses viennoiseries et petits menus succulents.

Bien sustentés, nous passons ensuite près de l’hôtel dédié au Baron Tavernier, célèbre écrivain de voyage du début de ce style littéraire. Non loin de là, la cascade du Forestay. Marcel Duchamp, l’artiste le plus important du XXe siècle, célèbre jusqu’aux Amériques, a séjourné ici et les a peints ces cascades, ce pourquoi depuis, de nombreux Américains viennent les admirer.

Puis nous sommes descendus à travers les vignes. A chaque détour de chemin, de nouveaux panoramas admirables, des renflements, des avancements de terre couverts de vignes nous éblouissent. De ci, de là, des panneaux racontent la tradition et le présent viticole de la région. Pour cette année, les vendanges sont faites. La récolte a été bonne, ce sera un bon cru (celui qui donne les bonnes cuites). Il reste les feuilles dorées et blondes qui chatoient dans le soleil timide de la saison. Les sarments retaillés et les pieds de vigne se préparent déjà à l’hiver.




 Une butte dédie son panorama au célèbre chansonnier Jean Villars Gilles, poète, chanteur, auteur de chansons célèbres, par exemple « Les trois cloches », rendue mondialement célèbre par Edith Piaf. Les dernières années de sa vie, né dans le coin, Gilles était revenu habiter dans le village de Saint-Saphorin à nos pieds.




Et nous voici déjà arrivés au petit village. Ses ruelles étroites sont d’un pittoresque ravissant. Elles sont enserrées de maisons dont les murs du bas sont en pierre et le haut en bois. Une petite église, dont les débuts sont datés du XIIe siècle, prend les maisons à l’entour sous sa protection. Nous y entrons juste avant qu’un concert de flûte et de guitare ne commence pour descendre dans la crypte. D’importants travaux archéologiques ont été entrepris et on découvre ici aujourd’hui dans le sous-sol un très joli petit musée archéologique in situ qui raconte plusieurs siècles d’histoire.




Pour bien terminer cette balade, une courte promenade le long du lac nous a conduits à la vinothèque du Lavaux. Là, nous avons pu déguster quelques échantillons du vaste choix de crus de toutes les couleurs, d’un grand nombre de cépages. Un de ces cépages est unique, le Plan Robert. C’est le seul coin au monde où l’on puisse le trouver et il a failli disparaître lors de construction de l’autoroute plus haut. Quelques vaillants vignerons l’ont sauvé et il fait aujourd’hui la fierté de la région.
Notre balade s’est conclue ainsi et nous sommes rentrés le cœur léger et le corps las d’une joyeuse fatigue.



Guide: Julie Sidelnikova (Guide Patrimoine Lavaux UNESCO)
Textes et photos: Ariel Pierre Haemmerlé